lundi 25 janvier 2010

1946

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1er janvier 1946 - Ouest-France
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En ce début 1946, la presse relate peu la construction des cités provisoires, comme l'autre information, pour une raison majeure : la pénurie de papier. Le journal "Ouest-France" se limitait bien souvent à une feuille recto-verso pour l'ensemble du département de la Manche.
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11 février 1946 - Ouest-France
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DU PROVISOIRE AU RALENTI
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Pour reloger provisoirement les sinistrés, qu'a-t-on fait à Saint-Lô ? Quelques baraques en bois, quelques maisons en dur (n'indiquons pas de chiffres : ils sont décevants). Et ce que l'on a construit paraît parfois bâclé. Voici, par exemple, des baraques en bois qui ne reposent que sur les quatre coins. Le vent circule sous le soubassement squelettique. A l'intérieur, pas de plafond sous le toit, pas de cloisons isolantes. A juste titre, les occupants se plaignent des courants d'air et du froid. Souhaitons que les baraques en dur soient plus confortables.
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Quant aux baraques américaines, Saint-Lô doit en recevoir 160 alors qu'il y a plus de 700 demandes nous dit M. Lavalley, l'actif et distingué maire.
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S'il s'agit du modèle préfabriqué que nous avons vu monter en d'autres villes, et qui nous paraît bien peu conforme aux besoins des sinistrés de l'Ouest, mieux vaudra que les Saint-Lois attendent un peu et obtiennent des bâtiments plus solides adaptés au climat.
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Baraques en dur (route de Saint-Jean)
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L'HOPITAL IRLANDAIS
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S'il y a peu de baraques d'habitation à Saint-Lô, par contre, un bel hôpital y a été monté. A part les baraquements qui l'abritent, tout le matériel a été offert par l'Irlande, dont le beau geste a été apprécié des Saint-Lois. Peut-être eut-il été préférable de loger cet hôpital dans des bâtiments en dur. Quoi qu'il en soit, l'installation a été fort réussie. L'isolement des baraquements qui communiquent tous entre eux par de longs couloirs où peuvent circuler des chariots, est parfait. Et le chauffage central diminue considérablement les risques d'incendie. Voici les salles de médecine générale, celles des contagieux, la maternité avec ses annexes pour les bébés, la couveuse, ... deux magnifiques salles d'opération aux parois intérieures recouvertes d'aluminium. Dehors, des bâtiments annexes pour le chauffage, le groupe électrogène de secours ... Et n'oublions pas l'ambulance.
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Remercions, comme ils le méritent, les membres de la mission irlandaise (composée de sept médecins et de dix-huit infirmières diplômées) qui se dévouent pour surveiller l'installation en cours et recevoir les premiers malades.
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27 mars 1946 - Ouest-France
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FAITS LOCAUX - Négligence
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M. Joseph Briard qui travaille actuellement sur le chantier de Grimouville avait pendu son veston à l'intérieur d'une baraque, puis s'en était allé travailler. Le veston, et plus particulièrement un portefeuille contenant 720 francs, laissé dans la poche intérieure, attirèrent un voleur qui poussa l'outrecuidance jusqu'à prendre sept-cents francs ... et, à laisser les vingt autres !
C'est la première fois (en 1946) que Ouest-France relate un fait concernant Grimouville dont la construction est en cours.
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9 avril 1946 - Ouest-France
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Pour l'édification des baraques.
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Règlement fixant la procédure des demandes d'attribution ou d'implantation de baraques.
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Dans tous les cas le pétitionnaire devra remettre au Maire de Saint-Lô après l'avoir complété, le questionnaire tenu à sa disposition dans les Services Municipaux :
  • questionnaire simple pour une baraque habitation ;
  • questionnaire double pour une baraque commerce.
I - BARAQUEMENT FOURNI PAR LE M.R.U. (Ministère de la Reconstruction et de l'Urbanisme)
  1. dans un lotissement : ces baraques sont attribuées par le Sous-Préfet après avis d'une commission consultative.
  2. en dehors des lotissements :
A - terrain privé :
  • le pétitionnaire remet sa demande écrite accompagnée d'un croquis coté précisant l'emplacement exact lui appartenant sur lequel il désire que le M.R.U. lui édifie un baraquement,
  • dans le cas où le baraquement serait à implanter sur un terrain privé n'appartenant pas au pétitionnaire, celui-ci devra justifier par écrit que le propriétaire l'autorise à disposer de son terrain. Cette demande est transmise aux services du M.R.U. qui précisent si, au point de vue de l'urbanisme, ils peuvent tolérer une telle utilisation du terrain,
  • sur le vu de ces documents, la commission consultative fait en temps opportun des propositions d'attribution de baraques,
  • lorsque la décision est prise par l'autorité préfectorale, les services du M.R.U. sont informés qu'ils peuvent affecter une baraque au pétitionnaire.
B - terrains communaux :
Formalités identiques : le demandeur doit justifier d'une autorisation écrite du Maire de Saint-Lô d'implanter le baraquement sur le domaine de la ville.


II - BARAQUES FOURNIES PAR L'UTILISATEUR


A - Terrains privés :
  • le pétitionnaire doit présenter une demande écrite aux services du M.R.U. avec un croquis coté précisant l'emplacement choisi,
  • après l'accord écrit de ce service, le pétitionnaire fait viser cette demande à la Mairie de Saint-Lô où les services municipaux prendront note de la demande et de l'accord du M.R.U.
En possession de ce visa, l'utilisateur pourra procéder à l'implantation de son baraquement.
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B - Terrains communaux :
  • le pétitionnaire remet aux services municipaux sa demande écrite accompagnée d'un croquis coté précisant l'emplacement sollicité,
  • le service municipal sollicite l'accord du M.R.U. sur l'emplacement choisi.
Sur le vu des documents, la Commission Consultative fait des propositions au Conseil Municipal seul compétent pour disposer des terrains de la Ville.
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NOTA - En cas d'inobservation de ces dispositions ;
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En cas de non conformité entre l'autorisation et la réalisation : tout travail sera immédiatement arrêté par les services du M.R.U., l'intéressé pourra être invité à démolir à ses frais les travaux faits indûment.
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10 avril 1946 - Ouest-France
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La garde ne se rend pas !
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Un jeune homme de 18 ans, Georges François, garde toutes les deux nuits le centre de baraques américaines de la route de Tessy-sur-Vire. Un soir qu'il était de faction, il fut réveillé vers minuit et demi par des bruits suspects qui se renouvelèrent vers deux heures du matin. On vit des ombres se déplacer dans les environs de la dernière baraque ... les hommes volaient du plâtre. Il bondit aussitôt, mais, au moment où il ouvrait la porte, l'un des voleurs laissa tomber le sac qu'il portait sur son dos et gratifia le jeune intrus d'un formidable coup de poing américain. Lorsqu'il se releva, les trois hommes avaient disparu ...
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24 mai 1946 - Ouest-France
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CONSEIL MUNICIPAL - Baraques -
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La parole est donnée à M. Perrin. Il explique tout d'abord ce qui a été appelé le " scandale de la Place des Alluvions ", et parle de l'attitude de l'architecte qui doit être considéré comme le grand responsable de la lenteur des travaux ; il s'explique encore sur l'histoire du fameux " bon de 30000 briques " et espère que les premières baraques à usage commercial venant dans le centre Manche, seront dirigées vers Saint-Lô qui n'en a pas reçu depuis longtemps.
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25 mai 1946 - Ouest-France
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CONSEIL MUNICIPAL - Plan d'urbanisme -.
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L'attribution des baraques-logement est en cours (où ?). Une fois cette attribution terminée, il restera au grand maximum à recevoir 300 baraques pour satisfaire les derniers solliciteurs, qui devraient être relogés pour la fin de la présente année.
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1er juin 1946 - Ouest-France
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CITES DES BARAQUES -
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Les attributaires des maisons préfabriquées américaines de la cité de Falourdel sont avisés qu'un représentant de la Reconstruction, M. Campion, se tiendra à leur disposition dans cette cité, les lundi, mercredi et samedi, de 14 à 18 h, pour la remise des locaux.
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29 juillet 1946 - Ouest-France
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Nos promenades du dimanche
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Aujourd'hui, je suis allé jusqu'au chantier de la route de Baudre.
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Le chantier de la route de Baudre..
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Lui, (le chantier) est précisément d'actualité ; on prête, en effet, à nos élites, l'intention d'y loger certaines personnalités : du Président du Tribunal aux Eminences de la Préfecture ..., lorsqu'elles seront "intra muros" ... c'est-à-dire, d'après certains : dans quelques mois, et, d'après d'autres, certain jour assez indéfini ...!
Dix-sept maisons étaient à construire (elles devraient même être terminées), et cependant nos regards en sont encore à admirer les charpentes qu'enfin on se décide à couvrir.
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Les plâtriers et les maçons, eux-mêmes, activent, et les matériaux ne faisant plus défaut, une certitude nouvelle aurait été donnée : tout sera terminé pour le mois d'octobre. (Doutes de l'auteur ...) Mais vous verrez certainement, à la chute des feuilles, non pas le groupe entièrement terminé mais la première tranche de neuf maisons mise à la disposition de ses nouveaux locataires.
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Signé V. Normant.

5 août 1946 - Ouest-France
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Nos promenades du dimanche

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Les ouvriers terminent le montage de la première baraque de la cour de l'ex-caserne.
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Si vous êtes allés, hier, à votre tour, visiter le chantier de la route de Baudre et les maisons " en dur " dont on va bientôt terminer la couverture, si vous avez, pour quitter les lieux, épousé ce qui sera plus tard, beaucoup plus tard, une majestueuse porte moderne, vous êtes tombés devant une brèche, une seconde entrée, pratiquée à vif dans le mur de la caserne.
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De là, une incroyable vision s'offre à vos yeux : partout du sable, de la terre, des pierres, des soubassements en ciment, des baraques, les unes couvertes de carton bariolé, les autres attendant que les entreprises soient en mesure de les faire bénéficier d'une amélioration identique. Enfin, un peu partout, des planches, et encore des planches : les baraques en instance de montage.
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Le calme qui règne aujourd'hui en cette vaste cour semble factice, et l'on s'attend, d'un instant à l'autre à voir venir sur ces lieux les nombreux ouvriers dont le travail semble n'avoir été abandonné depuis plus de quelques minutes.
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J'y étais allé personnellement, et pour la première fois le 18 juillet, c'est moins d'un mois après la visite de M. Morin. L'on achevait, ce jour-là, le montage de la première baraque, celle que vous trouverez sur le plan avec le numéro 39.
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Je fus un peu surpris d'un côté ... et pas trop de l'autre ... de la rapidité avec laquelle les travaux envisagés avaient été entrepris, je ne pus, d'ailleurs, m'empêcher d'en faire part au contremaître de l'entreprise Henri Guilbert, lequel donnait déjà les premières instructions en vue du montage de la baraque numéro 38.
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Nos onze soubassements seront terminés pour la fin de la semaine prochaine, c'est-à-dire pour les derniers jours du mois de juillet. Quant aux baraques, elles suivront presque immédiatement.
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Le montage est rapide, nous comptons, en moyenne, qu'une baraque peut-être montée chaque jour, par une équipe de cinq hommes ; montée et couverte ; il reste, bien entendu, à terminer l'aménagement intérieur. Je pense (le contremaître) que, pour la fin du mois de septembre, la caserne ne sera plus un chantier, mais une gentille cité.
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J'ai voulu (le journaliste) voir si les promesses faites étaient tenues, et je suis allé faire une nouvelle visite à la Cour des Casernes, dans la journée de samedi dernier. Il régnait une animation extraordinaire, et les ouvriers travaillaient par petits groupes, chacun de leur côté, avec une telle excentricité, sous des angles et des orientations si variés, affichant des spécialités si diverses, que je me demandai si l'on ne s'en allait pas là au petit bonheur et s'il était possible de réussir quelque chose de concevable au milieu d'un tel fouillis..
De renseignement en renseignement, et de recoupement en recoupement, interrogeant tantôt les déblayeurs, tantôt les maçons, tantôt les monteurs des quatre entreprises qui, maintenant, s'affairent : Henri Guilbert terminant 11 baraques ; Planquart 12 ; Guyomard 8 et Eugène Guilbert 9 ..., prenant les cotes en même temps que les aides géomètres chargés du piquetage, j'ai pu établir un plan, et le réaliser avec le maximum de précision, à la seule fin de vous montrer comment cela se présentera, d'ici quelques semaines, la Cité Bellevue, sur laquelle il est possible que nous soyons appelés à revenir dans les mois à venir.
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En effet, ce n'est d'ailleurs un secret pour personne, M. Morin, au temps où il était préfet de la Manche, avait décidé d'y loger les employés de la préfecture qu'il estimait devoir ramener à Saint-Lô, dans les locaux de la caserne Bellevue.
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Les commentaires les plus variés, vous le savez, ont été enregistrés au départ de M. Morin. Quelle suite sera donnée aux décisions qu'il prit le 25 juin ? Nul ne le sait, et notre rôle n'est aucunement d'entamer une polémique à ce sujet, d'autant plus que des décisions d'une semblable importance dépassent, à coup sûr, nos administrateurs.
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Quoi qu'il en soit, nous serons très heureux de voir les bâtiments perdre la couleur sale qui, depuis longtemps déjà, les rendait désagréables à la vue des Saint-Lois ; nous serons également satisfaits de voir les ouvriers, littéralement casernés jusqu'ici, les quitter pour prendre possession de chalets plus individuels, dans les cités ouvrières ... dotées de l'eau, de l'électricité, les petits " homes ", appelés baraques 534-10, donneront à ceux qui ne sont pas encore relogés, la possibilité d'habiter enfin un " petit chez soi " qui a toujours mieux valu - dit le proverbe - qu'un grand chez les autres ! ... Combien de sinistrés, à franchement parler, demandent aujourd'hui autre chose ?
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Signé V. Normant
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12 août 1946 - Ouest-France
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Nos promenades du dimanche
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Il était dans mes intentions de quitter aujourd'hui le secteur de Bellevue, par les cités de la route de Grimouville ; mais un courrier plus abondant que la coutume va nous amener à rester aujourd'hui encore, si vous le voulez bien, dans la cour de la Caserne et ses dépendances.
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Tout d'abord, il m'a été demandé de présenter si possible, le plan de la Cité Bellevue, d'ailleurs très avancée et de décrire, avec autant de précision que possible, les baraques 534-10 ; nos correspondants bénévoles auront satisfaction avec nos clichés composés à leur intention, et qui, mieux que tout discours leur donneront à la fois une idée assez nette des logements mis à leur disposition, et une autre relative cette fois, à l'aspect futur de l'ex-cour de la Caserne, lorsque les rues seront tracées, et l'ensemble des travaux terminés.
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Une question, encore, m'a été posée : Quelles sont les administrations actuellement logées dans les bâtiments de la Caserne ? ...
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Plan de la Cité Bellevue
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Une baraque 534-10 :
A et B, chambres ; C, cellier ; D, cuisine ; H, Hall
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Signé V. Normant.

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19 août 1946 - Ouest-France
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Nos promenades du dimanche
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Combien de fois ai-je été sollicité, alors qu'il n'était encore aucunement question de nos " promenades dominicales ", pour l'insertion d'un " papier " essentiellement critique, se rapportant à l'enseignement de nos cités préfabriquées ? ... Je ne saurais le dire étant donné que je n'ai jamais jugé nécessaire d'en prendre note.
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Aujourd'hui encore, voyez-vous, je resterai sur les mêmes positions, reconnaissant bien entendu certaines petites erreurs, mais désirant avant tout infirmer le proverbe voulant que toute bonne volonté mise au service de la collectivité soit automatiquement et immédiatement attaquable et blâmable.
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Quatre cités ont été construites en " carton ", c'est-à-dire avec des baraques préfabriquées venant d'Amérique. Deux sont composées de 15 baraques et se situent sur les routes de Torigni et de Tessy ; deux autres, respectivement de 73 et 76 logements, de même fabrication, ont vu le jour dans l'ombre blanche des pommiers en fleurs, dans les herbages plantés de Grimouville et de Falourdel.
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Toutes les cités ne sont pas entièrement terminées et cependant, elles sont en grande partie habitées. Le Saint-Lois exilé trop longtemps à son goût, est revenu en toute hâte, considérant avec juste raison que sa présence ne saurait que hâter l'accomplissement des derniers travaux.
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La Cité de la route de Tessy (vue d'ensemble)
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La première cité terminée (dans ses grandes lignes s'entend) fut celle de la route de Tessy qui prit ses assises dans les " planches " de carottes et de patates " tournées " et ensemencées du temps de l'occupation, par des mains souvent blanches et tendres de pères de famille de tous ordres et de toutes conditions, dont le souci journalier était d'assurer par cela même une partie de l'alimentation de leur petite famille.

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On vit d'abord sept petites maisons se dresser le long de la grand-route, derrière la haie d'épines ; puis, après un long barbotage dans la terre, l'argile et l'escarbille, une route se dessina sous les grands arbres, formant la limite ouest de l'herbage. Elle devait servir de frontière à sept autres logements, épousant à leur tour le second côté de ce triangle, dont le sommet était au nord, cependant que le quinzième construction similaire dessinait plus haut, la base de cette figure géométrique.
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L'espace compris à l'intérieur de cet immense V fut de nouveau réservé aux jardins, et vous verriez aujourd'hui, comment en un temps record, il a été possible de transformer l'herbe et la terre féconde en herbiers de carottes, de haricots, de choux et de porette, au milieu desquels les fleurs rouges et blanches des soissons et les premières tomates approchant de la maturité, mêlent leurs agréables couleurs à celles des pois de senteur, des oeillets et des roses.
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La clôture, côté route, donne le mauvais ton ; mais il ne faut pas voir ce grillage tel que, revêche, il se présente aujourd'hui, et plutôt l'imaginer sur son aspect de demain, blanc ou crème, semblable à celui frais et pimpant qui, déjà, clôt la gare.
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(poursuivant son chemin par les rues du Pain de Seigle, Béchevel, Bellevue) l'auteur pénètre dans la Cité de Grimouville.

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L'entrée de la Cité de Grimouville
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Les baraques ne sont pas encore toutes montées ou peintes ; pourtant, déjà, de nombreuses réclames et pancartes, voire des plaques en cuivre, signalent la présence d'avocats, de peintres, de boulangers, épiciers-crémiers, bijoutiers-horlogers, et même de couturières, ce qui prouverait bien, si c'était encore à faire, que l'élégance elle-même, chez nous, ne perd pas ses droits.
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La cité prit naissance dans un immense champ, que limitent toujours : la rue du 80è Territorial, la rue Fontaine-Venise et le chemin de Grimouville.
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Si la cité de la route de Tessy ressemble à un triangle, celle-ci a été tracée à l'intérieur d'un grand cercle, d'une large route circulaire entièrement créée et goudronnée, remarquablement carrossable. Le diamètre de ce cercle, diamètre parallèle au chemin de Grimouville, est constitué par une route similaire, limitée comme l'autre par des trottoirs. Deux rues d'importance secondaire ont été tracées perpendiculairement à cette avenue centrale ; elles seront, à l'instar des cendrées des stades : souples, mais non préconisées aux véhicules poids lourds qui ne sauraient guère les améliorer. (Les noms de rues n'apparaîtront qu'en 1953).
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Cela nous délimite, voyez-vous, un grand nombre de secteurs ; les baraques ont été construites parallèlement aux trottoirs et le terrain resté inutilisé entre les lignes de construction est divisé et clôturé, pour constituer là encore les jardins : jardins légumiers, parterres de fleurs, vergers aussi pour le locataire qui s'est vu attribuer, avec la baraque, un pommier rescapé des nombreuses " coupes sombres ".
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DE L'ATTRIBUTION A L'ENTRETIEN ! ... (recommandations du journaliste pour ne pas faire de cette cité riante ... un bidonville)..
Signé V. Normant
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Vue " aérienne " depuis les greniers de la ferme de Grimouville, au premier plan, la rue de Grimouville, sur la droite, vraisemblablement la future rue Jean-François Millet (Photo collection Jacques Brioult)
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23 septembre 1946 - Ouest-France.
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Nos promenades du dimanche
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L'entrée de la Cité de la " Forêt Noire ", (photo de Jacques Burey, Saint-Lô)
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Les baraques Suédoises de la Cité de la " Forêt Verte ", (photo de Jacques Burey, Saint-Lô).
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La Cité de la " Forêt Verte ", proche voisine de " Noire ", s'est sans doute appelée " Verte " pour l'unique raison qu'il était nécessaire de la distinguer de la précédente.
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Ses alignées de baraques, au lieu d'être tracées dans la direction Nord-Sud, se sont trouvées lancées, à leur tour, perpendiculairement à une avenue principale qui se trouve épouser les arrières des celliers de la " Forêt Noire ".
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Ce sont les cinq rues secondaires, en instance de construction définitive, qui desservent donc parallèlement à la route de Bayeux une infinité de constructions : suédoises, canadiennes ou françaises, uniformément peintes aux couleurs beige et marron, les unes bien "finies" et les autres en instance de terminaison.
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Il ne semble pas qu'il faille aujourd'hui s'étendre longuement sur ces importantes cités ; nous aurons certainement l'occasion de les dépeindre, plus en détail, lorsque nous en serons à leur inauguration ... car en admettant que celle-ci ne soit pas - que je sache - prévue, elle ne saurait manquer d'être à l'affiche un jour plus ou moins rapproché, sous la brillante impulsion du Comité des Fêtes du quartier Sainte-Croix, dont on connaît maintenant la belle activité..
Signé V. Normant
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4 octobre 1946 - Ouest-France
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Etat Civil
Naissance de Michèle H..., route de Bayeux, Cité Forêt Noire. (La cité est habitée).
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14 octobre 1946 - Ouest-France
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Nos promenades du dimanche
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Nos photos représentent :
  • en haut les constructions qui s'élèvent au nord de la route de Saint-Jean,
  • au milieu, les constructions au sud de cette même route,
  • en bas, celles qui attendent le retour des " enfants prodigues ".
Photos de Jacques Buret.
Aujourd'hui, retrouvant notre vie un plus calme, nous effectuerons de nouveau une petite promenade familiale et hygiénique en reprenant bien entendu notre marche de documentation au même point où nous en étions restés, c'est-à-dire à la sortie des cités de la " Forêt Noire " et de la " Forêt Verte "
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Comme le fil d'Ariane, les tranchées fraîchement rebouchées, signe indiscutable de travaux dernièrement effectués non loin de là, invitent à prendre la direction des cités de la route de Bayeux, puis, au carrefour, à épouser la route de Saint-Jean.
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Au nord de la route, un premier " bloc " avait été entrepris, comportant dix logements de six pièces, plus un, moins important à chaque extrémité. Aujourd'hui, deux nouvelles maisons particulières de même style, en pleine construction, s'élèvent comme deux candélabres, de part et d'autre du sujet central.
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Au sud de cette route de Saint-Jean, toujours avec les mêmes principes et, à peine plus loin que le groupe sus-indiqué, une seconde construction s'éleva ; deux " blocs " composés : le premier de huit et le second de six logements, présentant l'un et l'autre à la partie la plus extrême, un habitat attenant mais moins important, probablement réservé à usage de conciergerie.
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Tout, dans ces constructions auxquelles on met aujourd'hui la dernière main, est semblable. Même nombre de pièces, même confort (eau, électricité, tout-à-l'égout), mêmes portes, mêmes fenêtres ; seule la couverture diffère en ce sens qu'elle est rose au Nord et grise au Sud !
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L'intérieur étant en principe terminé, j'ai pensé qu'un plan préciserait mieux que toute description la distribution de chaque logement.

Premier étage : 1, 2, 3, chambres
Rez-de-chaussée : 4, cuisine ; 5 toilettes ; 6, hall et petite salle ; 7, salle à manger ; en teinté, les 3 entrées a, b, c ; cave sous la cage de l'escalier.
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En conclusion, trente familles vont bientôt pouvoir s'installer route de Saint-Jean : elles donneront à ce riant secteur une animation toute nouvelle, ramenant de plus à la ville tant éprouvée quelques dizaines de ses enfants prodigues.
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Signé V. Normant
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19 octobre 1946 - Ouest-France
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FAITS LOCAUX
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Une de plus - M. Joseph Lecomte, mécanicien à Saint-Georges-de-Montcoq, gare sa bicyclette dans la cave de Mme Fétille, n°12, Cité de Grimouville. Samedi dernier, le vélo disparut, mais Mme Fétille ne s'en inquiéta pas pour autant, supposant que c'était le propriétaire qui s'en était servi. Ce n'est qu'au moment où M. Lecomte a manifesté le désir d'enfourcher sa bécane, que l'on s'aperçut qu'elle avait bel et bien été volée.
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Cet article illustre les nombreux problèmes de vols qui existaient sous les rubriques " la valse des vélos ", " une de plus ", " c'était sa pointure ", " la chemise volait " ...
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Il existait une importante population de travailleurs qui suivaient chantiers avec des conditions d'hébergement très précaires (logés en l'occurrence dans des dortoirs de la caserne Bellevue ou dans des baraquements O.N.C.O.R. (Office National de Cantonnement des Ouvriers de la Reconstruction)). Les tensions raciales se révélaient notamment sous l'emprise de l'alcool et la rubrique faits divers était très fournie.
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4 novembre 1946 - Ouest-France
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Saint-Lô - Des baraques sont encore nécessaires a reconnu le directeur-adjoint du Cabinet du Ministre de la Reconstruction, cependant, dès maintenant, il nous faut envisager la reconstruction définitive.
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Le débat existe sur l'opportunité de construire des bâtiments provisoires alors que la rareté des matériaux ferait préférer l'investissement dans du définitif.
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Il est dans les idées du Ministère de supprimer les baraques. Nous avons (ville de Saint-Lô) été d'accord sur le principe qu'il est préférable de faire, dès maintenant, du définitif ..., mais il n'empêche que, dans les villes totalement sinistrées, comme Saint-Lô, on ne peut pas supprimer, d'ores et déjà, les baraques, sous peine d'interdire le relogement de nombreux sinistrés qui attendent encore et d'urgence un logement. D'ailleurs, l'administration de Saint-Lô n'est plus possible si on ne nous envoie pas des baraques ..., étant donné qu'il faudra au moins deux ans pour faire des maisons.
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M. Quévy, président du Comité de Défense des Sinistrés, se plaint de la manière dont sont érigées les baraques et de leur manque de confort. Il revient également sur l'organisation, et cite en exemple la cité de la Vaucelle, qui devait être montée pour les premiers jours de septembre ... En définitive, nous voyons, à ce jour, trois ou quatre baraques qu'il n'est d'ailleurs pas possible de monter, étant donné que certains éléments font défaut. Nous manquons de matériaux ...
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9 décembre 1946 - Ouest-France
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CONSEIL MUNICIPAL
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M. Balloul, délégué du Ministère de la Reconstruction expose son programme et recueille les plus vives de nos doléances.
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M. Lavalley (maire) rappelle son point de vue qui est le suivant : terminer le plus tôt possible les lotissements de baraques entrepris, qu'il s'agisse de l'eau, des égouts ou de l'électricité (cités de la Forêt Verte, de la Caserne et de la place des Alluvions - baraques commerciales) ; demandant en outre que tous les pouvoirs soient donnés à M. Clermont pour éliminer et remplacer les entrepreneurs dont les travaux n'avancent pas ; quant aux rues et en reconnaissant la qualité de l'effort fait jusqu'ici ...
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La question des baraques n'étant pas solutionnée, il prie M. Balloul de la préciser.
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M. Balloul répond que M. Sébillotte est passé dans notre ville il y a quelques semaines et son voyage porte ses fruits. Un important contingent de baraques est annoncé comme devant arriver avant la fin du mois de janvier (1947) ; vingt cinq ou vingt six sont destinées à la ville de Saint-Lô. Je sais (M. Balloul) que cela ne vous satisfait pas pleinement, et c'est pourquoi j'envisage la réalisation de la construction provisoire sur le plan local.
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Six cents tonnes de ciment vont nous parvenir prochainement, nous les utiliserons pour la fabrication de parpaings, éléments plus intéressants pour la construction de baraques durables et confortables. J'ai reçu plusieurs propositions d'entrepreneurs ; les travaux devraient être menés assez vite.
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DOLEANCES
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La parole est donnée aux adjoints et conseillers municipaux.
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M. Groult, premier adjoint, pose la question cruciale relative aux baraques américaines. Plusieurs solutions intermédiaires sont envisagées (la question n'est pas particulière à Saint-Lô) et l'on envisage soit la couverture du toit actuel, soit la confection d'un chapeau (pour donner une pente normale) et par la suite, la couverture. Les dépenses à engager sont énormes, de quelque côté que l'on se tourne, et il faudra compter 50.000 francs par baraque pour cet amendement, c'est-à-dire neuf millions pour les 180 baraques préfabriquées montées à Saint-Lô.
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Il est finalement décidé d'utiliser les premiers crédits : 1.200.000 + 2.500.000 aux principales réparations de ces baraques ; par la suite, la Ville est autorisée à étudier la réfection de la toiture de toutes les baraques américaines et à la soumettre à M. Balloul qui l'étudiera avec bienveillance.
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D'ici là, un stock de sécurité de carton bituminé sera constitué, et les réparations urgentes aux baraques entreprises. Un entrepreneur déterminera ces réparations d'urgence et effectuera les travaux.
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M. Sainthuille revient sur les différents points de son précédent exposé (de M. Balloul) ; vos vingt-cinq baraques sont insuffisantes ; il nous en faut trois cents plus cent commerciales ...
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23 décembre 1946 - Ouest-France
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L'ASSURANCE DES BARAQUEMENTS
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Il nous a été donné d'entendre affirmer récemment, en séance publique, que les sinistrés occupant des baraquements, n'étaient pas tenus d'assurer leurs risques locatifs, parce qu'ils n'étaient pas des locataires ordinaires mais seulement tenus de verser une redevance qui reste encore à déterminer : qu'au surplus, l'Etat était son propre assureur.
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Il apparaît, à défaut de textes précis, que c'est la négation pure et simple des articles 1733 et 1734 (rapports entre propriétaire et locataire), et 1382, 1383 et 1384 du Code Civil qui, semble-t-il, n'ont pas été modifiés.
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Il est certain que l'occupant d'un immeuble ou d'un baraquement, à quelque titre que ce soit, peut voir sa responsabilité engagée, tout au moins en cas de faute grave.
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Au surplus, aux termes de la législation actuelle, le sinistré occupant une baraque est tenu d'assurer contre l'incendie, les meubles et objets mobiliers garnissant les lieux loués, ainsi que les risques locatifs et le recours des voisins à une Compagnie agréée par le receveur, contrôleur des domaines chargé du recouvrement des redevances. L'Etat est propriétaire à cette époque des baraques.
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Faute par le sinistré de se conformer à cette obligation (article 2 du cahier des charges d'occupation des abris provisoires), l'Etat est fondé à exercer contre lui, en cas d'incendie dû à son fait, les recours en réparation du dommage tels qu'ils sont prévus par le droit commun.
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Il est certain que c'est une très lourde charge pour les sinistrés, mais il était nécessaire de mettre la question au point pour leur éviter de graves mécomptes en cas d'incendie.
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(Communiqué).
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